Accéder au contenu principal

En Guinée, les TIC au bon vouloir du courant

Trois ans apres sa publication cet article est toujours d'actualité lisez:
Trente-cinq associations d’Afrique, réunis pendant trois jours, dans un hôtel bien garni de Conakry, avec Wifi, dîners, café, eau, électricité en permanence, climatisation, gardiens et chambres coquettes avec télé par satellite : voici le décor d’« I-jumelage », projet d’appropriation des Technologies de l’information et de la communication (TIC) concrétisé par un séminaire dans la capitale de la Guinée, du 23 au 27 mai 2009. Les apparences sont trompeuses : la Guinée est un des trous noirs de l’Afrique en matière d’accès aux TIC.
Hôtel de la petite-Minière, Conakry, Guinée, mai 2009. Dans l’enceinte de cet établissement surnommé l’« hôtel des syndicats » (c’est ici que les réunions entre les centrales syndicales guinéennes se tiennent), 35 responsables d’associations, qui, pour la plupart, se rencontrent pour la première fois, sont réunies pour créer ensemble un « réseau » qui servira de base pour plusieurs projets de coopération, d’échanges et de partenariats. Son nom : « I-Jumelage ». Les participants arrivent un par un, convaincus d’un côté que le fait de rentrer en contact avec des associations étrangères qui évoluent dans le même domaine ne peut qu’enrichir les pratiques locales. Convaincues également que la « cagnotte » qui les attend - 130 000 € de subventions, dont 50 000 € issus de fonds de l’Union européenne - leur permettra de mieux atteindre leurs objectifs. À savoir : s’équiper en matériel informatique, équiper les Africains en outils numériques (ordinateurs, téléphones portables…), afin de se servir d’Internet comme un puissant levier de développement (lire Projet « I-jumelage » : comment les TIC peuvent réinventer le panafricanisme ?).
Panafricanisme et développement numérique
Organiser en Guinée un tel séminaire peut paraître parfaitement à la fois tout à fait cohérent et parfaitement incongru. D’un côté, la Guinée est un des pays où les souffles panafricanistes ont été les plus véhéments. Ici s’est créée l’Union Ghana-Guinée-Mali, en 1960. Ici encore s’est pensée l’Unité africaine, au lendemain des indépendances du Ghana de N’Krumah (1957) puis de la Guinée de Sékou Touré (1958) (1). Lier les associations africaines en terre guinéenne est donc d’une certaine manière une prolongation de l’histoire de l’édification d’une résistance inter-africaine. Pour l’incongruité de la tenue d’un séminaire sur les technologies de l’information et de la communication, il faut préciser que la Guinée, dont la Société nationale d’électricité (SNE) a longtemps été surnommée « Société des nuits éternelles », est un véritable « trou noir » de l’Afrique en matière de développement et d’état d’avancement numérique. « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage. », avait préfiguré le chantre de l’indépendance guinéenne, à sa prise de pouvoir en 1958. Le panafricanisme a tourné à la foire d’empoigne et à la raison du plus fort. Les pays pionniers du panafricanisme, dont la Guinée, ont souffert d’un isolement quasi continu depuis les indépendances. À l’ère du numérique, cette réalité saute aux yeux.

À l’université Lansana Conté de Sonfonia, à Conakry, une des plus grandes universités de Guinée, on compte moins de dix ordinateurs pour environ 16 000 étudiants (droit, sociologie, etc). Chaque matin, Mustapha, étudiant en sociologie, se lève à 5 heures pour être à la fac à 8 heures. L’électricité n’y fonctionne que par à-coups, les vingt-cinq salles de cours – pour 16 000 étudiants ! – n’étant alimentées que par un seul groupe électrogène, censé fournir du jus de 11 heures à 17 heures. Pas besoin ici de moderniser la fonction publique, déjà amplement dégraissée dans les années 80 grâce au FMI : la plus importante université de Guinée compte un enseignant pour trois cents étudiants. Pas d’Internet, le parc informatique de l’université se limite à quelques ordinateurs périmés, auxquels se sont récemment rajoutés la trentaine de PC prêtés par l’ONG Chaîne informatique sans frontières (CISF), une association basée à Laval (Mayenne). Ratio : un poste pour 400 étudiants. Pour se mettre « en contact avec le monde » et relever ses mails, Mustapha doit donc aller « en ville », dans le quartier des banques et des villas. Là-bas, quelques cyber-cafés proposent aux Conakrykas de se connecter, à raison de 6500 GNF la demi-heure (environ 1 euro). Inutile de dire qu’ils sont bondés, car ici la connexion ne saute que très rarement.

L’université Gamal Abdel Nasser, plus proche du centre-ville, est mieux équipée : environ 20 ordinateurs par section, à raison de trois sections par département (trois en tout), soit 180 postes informatiques en totalité. Pour se connecter à Internet, les étudiants doivent au préalable s’abonner à l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), qui propose dix heures de connexion par semaine au prix de 55 000 GNF (environ neuf euros). « Vingt postes par section, c’est vraiment peu par rapport à l’effectif total de l’université : 16 000 étudiants environ. Dans ma classe, on est 1200 élèves ! C’est toujours la guerre pour avoir un poste et si tu n’es pas patient, tu peux facilement renoncer. », explique Arafan, étudiant en troisième année de médecine et membre de l’association Les Amis du futur, qui organise la logistique du séminaire « I-Jumelage ».
Wifi hors de prix
Dans l’hôtel du séminaire, c’est wifi à volonté. Une exception en Guinée. « C’est gratuit. », indique le gérant, qui oublie de dire que le prix se répercute dans celui des chambres. Installer internet sans-fil dans cet hôtel est le fruit d’une longue bataille technico-administrative : poser le mât de onze mètres qui permet de réceptionner les signaux satellitaires, acheter le modem, prendre un abonnement, puis distribuer le wifi : « L’installation coûte 20 millions de Francs Guinéens (3000 euros) et chaque mois, l’abonnement nous coûte 450 euros, pour une vitesse de 128ko/seconde. Passer à 256ko/seconde est facturé le double. », explique-t-il (2). En France, l’ADSL est facturé, hors coût de la « box », environ trente euros par mois…
Le fournisseur, Sotelgui, est une des plus importantes entreprises de télécommunication en Guinée. Ancienne entreprise d’État, son capital a été ouvert en 1992 suite à « la politique de désengagement de l’Etat guinéen des activités productives du pays » et au « besoin de restructuration du secteur pour faire face aux nouveaux défis engendrés par l’émergence de la vision du village planétaire », explique le directeur. Résultat : une dizaine d’années de partage avec Télékom Malaysia, qui a lâché ses parts en 2003. L’entreprise est donc redevenue guinéenne. Les concurrents se nomment Orange (la société prépare actuellement une contre-offre Internet), Cellcom, Areeba ou encore Intercel. Une floraison d’opérateurs privés qui évoluent tant dans le secteur de la télécommunication sans fil que dans l’Internet. Dans de nombreuses villes de Guinée, les visiteurs sont accueillis par d’énormes pancartes Orange. Des jeux sont annoncés sur des panneaux publicitaires géants aux quatre coins de Conakry et ce jusqu’en Haute-Guinée. À une cinquantaine de kilomètres de la capitale, une publicité énorme, le long de la route (ferrée) de la bauxite, invite les Guinéens à « s’ouvrir au monde ». Mais cette « ouverture » a comme principale épine les coupures d’électricité - ce qui explique le succès des téléphones portables, malgré les difficultés liées au chargement des batteries.
Sotelgui est en concurrence avec Orange, qui est un des premiers opérateurs en Guinée depuis peu, grâce à une politique de publicité et d’opérations promotionnelles très agressive. Si l’incursion d’Orange en terre guinéenne est le fruit d’une politique commerciale traditionnelle, dans d’autres pays, la présence de France Télécom est un acquis de la Françafrique.
La Guinée, qualifiée par beaucoup d’observateurs de « scandale géologique » (en raison de ses très importantes réserves en bauxite et en fer), connaît des retards considérables en matière d’approvisionnement en électricité, au point que le chanteur Tiken Jah Fakoly a intitulé une des ses chansons Conakry électricité (« chacun à son tour, comme chez le coiffeur (…) / Quand Madina (un quartier de Conakry, ndlR) a l’électricité, Matoto attend, comme chez le coiffeur… »). Pour réviser leurs cours, les étudiants sont obligés de se placer sous les lampadaires où l’électricité ne saute jamais, comme c’est le cas à l’aéroport international de Conakry. Sur le parking, chaque soir, des dizaines d’étudiants lisent leurs cours à même sur le bitume…

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ouganda: Assistance médicale par mobile

Alors qu’il y a quelques mois, nous vous parlions de l’effet qu’a eu le mobile dans le domaine de la santé en Afrique , les innovations continuent. En Ouganda , la société  TMCG (The Medical Concierge Group) a lancé un service d’assistance médicale par mobile . Il s’agit d’une plateforme depuis laquelle les détenteurs de mobile peuvent demander une aide médicale. Ils y seront mis en contact avec des médecins, pharmaciens, secouristes et autres services d’ambulance, suivant leurs besoins. Le service est accessible par SMS, appels et chat vidéo. Le centre d’appel de TMCG se situe à Rubaga où toutes les personnes qui appellent reçoivent des conseils médicaux par téléphone et peuvent être redirigées vers leur fournisseur de soins médicaux préférée. Inaugurant le service, le Dr Elioda Tumwesigye , ministre d’Etat en charge de la santé espère qu’il permettra d’améliorer le ratio patient-docteur et contribuer ainsi au recul de plusieurs maladies.

Guinée : les tronçons du backbone national de fibre optique déjà déployés, seront mis en service d’ici la fin de l’année

Agence Ecofin: - Selon Mamy Diaby,  le directeur général adjoint de la Société de Gestion et d’Exploitation du Backbone National (SOGEB), les tronçons du backbone national de fibre optique déjà déployés, seront mis en service d’ici la fin de l’année. Il s’agit des  axes Conakry-Boké; Conakry-Mamou; Mamou-Labé, Mamou-Kankan, Mamou-Faranah, Kolaboui-Kamsar et Tanéné-Fria, qui sont des axes majeurs prioritaires. Au cours d’un entretien accordé au site d’information  mosaiqueguinee , le numéro 2 de la SOGEB a expliqué que  « la mise en exploitation (mise en service) de ces axes, permettra de résorber la demande capacitaire du pays à hauteur de 80% ».   D’après Mamy Diaby, le lancement commercial de ces tronçons de fibre optique est imminent  « car notre business model, business plan, le catalogue de services et le catalogue de prix sont prêts » . Il a souligné qu’en  « termes de développement de l’industrie des Technologies ...

Media Guinée: arrivée de la première chaine de télévision guinéenne sur internet

La direction de GuinéeTV1 première chaine de télévision guinéenne sur internet a le plaisir de porter à la connaissance des internautes et des téléspectateurs qu’ils ont maintenant à l’achat d’un décodeur à un prix très attractif : - La possibilité de capter les huit (8) chaines de télévision Guinéenne, - Toutes les nouveautés des théâtres guinéens et africains, des documentaires, (environ plus de 1200 théâtres, 152 chaînes internationales grâce à notre décodeur GTV-D). www.guineetv1.com est l'adresse internet de la nouvelle chaîne de télévision par internet Cela est une façon de permettre aux guinéens de la diaspora et aux amis de la Guinée à travers le monde d’être au parfum des réalités du pays. Ce décodeur ne fonctionne que sur internet et non sur le réseau câblé de télévision, ceci dans le monde entier. Nos images sont diffusées en qualité HD. De plus, une application est disponible sur les portables de marque Smartphone, Iphone, Ipad, Samsung et Nokia. V...